kimberly écrit

criminologie pour casser l'ambiance

« Les peines ne sont pas assez sévères »

C’est quoi, une peine?

Si le Code pénal belge énonce les diverses sortes de peines il n’en donne pas la définition. On se réfère alors au dictionnaire qui la définit comme une sanction, une punition. La plus connue d’entre toutes est probablement l’emprisonnement, mais l’arsenal des peines est diversifié : amende, travail d’intérêt général, surveillance électronique, stage de sensibilisation, déchéance de certains droits, interdiction professionnelle, confiscation de biens,… Quand on parle de peine il faut donc distinguer les peines principales (que le juge peut infliger seules) des peines accessoires (en complément d’une peine principale). Autrement dit à la peine de prison (peine principale) peut venir se greffer une peine accessoire.

Fonctions de la peine

Mais parler de peine c’est aussi s’interroger sur ses fonctions, qu’est-ce que ça fait ou ambitionne de faire.

La fonction de prévention : la peine vise alors à dissuader d’autres personnes de commettre une infraction (« regarder ce qui vous attend si vous faites de même) mais aussi l’auteur de recommencer (récidive).

est-ce que des peines « sévères » ou de longues durées ont déjà mis fin aux infractions ?

La fonction de réparation : cette fonction repose sur l’idée qu’il faut ‘payer pour son crime’, mais cette réparation relève plus de la symbolique qu’autre chose, la réparation s’accordant mal avec la justice pénale (à l’inverse de la justice réparatrice ou transformatrice)

est-ce qu’une sanction pénale, un enfermement répond effectivement et adéquatement aux besoins d’une victime ? Neutraliser un individu et le responsabiliser sont deux entreprises différentes

La fonction de rétribution : littéralement attribuer en retour. Elle repose sur l’idée qu’à un mal infligé doit correspondre un mal équivalent (sorte de reliquat de la loi du Talion)

est-ce que cet impératif ne devrait pas être remis en question? Le recours au droit pénal semble devenu automatique, le mode de réaction par défaut. Avons-nous -collectivités- cessé de penser d’autres modes de réaction en dépit de l’apparente inefficacité du système pénal?

Sévérité et circonstances

Le droit pénal est traversé par des principes, l’un d’eux étant la proportionnalité des peines = la sévérité des peines doit être proportionnée à la gravité des crimes (le stationnement en zone interdite n’est pas sanctionné par la prison à vie, c’est grossier comme exemple mais vous voyez l’idée). C’est un facteur de modération destiné non seulement à préserver la société d’une escalade infinie dans la répression et la surveillance des individus mais aussi à ne pas avoir recours à la vengeance.

L’individualisation des peines est un élément à rapprocher de ce principe en ce qu’il permet à un juge de prononcer, compte tenu de certaines circonstances, une peine plus légère (circonstances atténuantes) ou plus sévère (circonstances aggravantes)

Exiger des peines qu’elles soient encore plus sévères plutôt que justes ou raisonnables doit nous faire nous demander pourquoi. Quel besoin insatisfait traduit cette demande de plus de sévérité?

Illusion de la sévérité : les longues peines sont dissuasives

Ce besoin de sévérité ne peut se résumer à l’envie de faire mal à l’autre, il trouve aussi ses origines dans l’absence d’ancrages solides dans le monde. À chaque nouvelle crise (immigration, climat, guerre, pandémie) surgit un discours sécuritaire et de tolérance zéro plus sévère que le précédent avec une obsession pour la durée des peines, et à l’inverse un désintérêt total pour leur contenu et leur sens.

n l’absence d’un accompagnement, d’occupations et de projets tournés vers l’avenir, le temps de la peine est un temps mort, vide, qui s’oppose au temps investi et rempli hors les murs et ne prépare en rien l’après-prison ni ne prévient de la récidive. Si une courte durée en prison peut avoir des effets structurants sur un individu, quel sens attribuer aux peines de longues durée?

Au regard de l’évolution du droit pénal, il est difficile de prétendre qu’il n’est pas plus sévère. Cette sévérité se traduit notamment par l’allongement des durées des peines mais aussi entre autre par

  • l’introduction de nouvelles infractions + peines conséquentes
  • l’allongement des délais de prescription
  • la construction de maxi prisons
  • des conditions difficiles à réunir pour obtenir une libération conditionnelle

Illusion de la sévérité : si il y a enfermement c’est qu’il y a eu condamnation (et que c’est mérité)

II est faux de croire que toutes les personnes enfermées ou en prison ont été reconnues coupables d’une infraction.

L’enfermement existe sans peine, c’est le cas des gardes à vues, des étrangers placés en centres fermés dont le seul ‘crime’ est d’être sans papier. C’est le cas également des personnes en détention préventive détenues en prison.

La détention préventive est une mesure provisoire (pouvant s’étaler sur plusieurs années!) de privation de liberté d’un individu contre lequel existent des motifs sérieux de culpabilité mais qui est toujours présumé innocent puisque son procès n’a pas encore eu lieu. Autrement dit une personne toujours innocente vit dans les mêmes conditions qu’une personne condamnée.

Illusion de la sévérité : les victimes en ont besoin

La justice pénale n’accorde pas beaucoup de place à la victime, tout au plus est-elle un élément déclencheur de son action. Dans le procès pénal la partie lésée c’est la société, c’est l’ordre public qui a été troublé.

Dans ce contexte, prétendre alors que les victimes (considérées souvent à tort comme un groupe social homogène) réclament absolument souffrances et perpétuité est un non sens. Les études en victimologie mettent en avant des besoins bien éloignés de la sanction et de sa durée:

  • besoin d’être informé.e
  • soutenu.e et reconnu.e
  • en sécurité
  • obtenir réparation

La sévérité des peines s’appréhende au regard de leur durée mais ne peut s’y limiter. On assiste au fur et à mesure des législations, des réformes de code et des crises sociétales à une augmentation de la sévérité de l’action pénale dans son ensemble, tant dans son intensité que dans sa diversité, n’en déplaise à celles et ceux qui prétendent le contraire.

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